Je suis née en Août 1984, d’un père Hestia qui construit des maisons et d’une mère Hermès ayant vécu jusqu’au mariage dans une roulotte. La construction et le mouvement étaient déjà dans mes racines.
En 1992, sur l'île, mes chers parents gagnent une caméra au Super U. Dès l’âge de 8 ans, je tourne mes premières images : déjà celles des miens déambulants le long des routes de Vendée en attente du passage des soeurs cyclistes bien trop rapides pour rester dans le cadre. Commence déjà à se dessiner la silhouette des préoccupations majeures de ma pratique artistique : le temps, l'attente, l'errance, la représentation de la cellule familiale, le caractère insaisissable des choses. De ses images du passé naîtra l'idée de La Poursuite réalisée en 2013.
En empruntant souvent la voie de l'autofiction, je commence à bâtir mes mythologies personnelles. Puis, petit à petit représenter mon histoire familiale pour en révéler les contradictions internes devient aussi une manière d'imaginer un propos plus large sur l’état de notre monde.
À partir de mes questionnements sur la narration et la mise en scène, j'entame en parallèle une pratique du volume mêlant souvent béton et objets récupérés par l'entreprise familiale. Ce qui m'intéresse dans ce processus de construction c'est de trouver une richesse de production à échelle domestique. Je me vois comme la bricoleuse de formes et d'images décrite par Lévi-Strauss dans la Pensée sauvage.
En 2009, je commence à travailler aux côtés d'Agnès Varda. Bien qu'éblouie par le monument cinéma, ce qui m'intéresse, c'est la petite entreprise (un complot entre quelques personnes), la machine à fabriquer des images en mouvement, à les bricoler dans leur épaisseur, à les disposer, les installer, les exposer. Ce qui me captive dans le processus de création vidéographique c'est le rapport à une matière concrète et à la fois impalpable, qu'il s'agisse de l'espace, du temps, des acteurs/figures, de tout ce avec quoi on compose. Le paradoxe est bien là : construire des réalités (de l'Être) avec de l'insaisissable (du Non-Être). Mon expérience vidéo est un état, un état du regard et du visible, une manière d'être des images. Un état-image, c'est à dire une forme qui pense sauvagement ce que les images sont et font quand elles affrontent l'espace.
La vidéo est devenue le lieu et le moyen même de mon rapport existentiel à l'art. Et par delà au monde tout entier (comme image, comme mémoire et comme histoire).
Femme visuelle aux racines célestes, travaillant avec mes yeux et mes mains, je creuse soigneusement les éléments de mon concept : habiter l'image comme on habite le monde. Un monde composé de réalités changeantes où il nous faut renégocier les réalités passées pour imaginer le présent, le monde en train de se faire.
J'aime à me voir à l'image de la vidéo : comme un être de passage, à l'existence assez brève et à l'identité incertaine.